Subventionnement et caractéristiques du modèle de coût

Vous avez dit subventionnement ?

Lorsqu’on interroge les Directions Financières sur leur principale motivation quand il s’agit de construire ou de faire évoluer leur système de coût de revient, on obtient souvent en guise de réponse : « Des coûts vrais, justes, réalistes, exacts, précis, … ».

L’enjeu majeur de leur démarche est presque systématiquement le réalisme des résultats obtenus, quels que soient les usages attendus.

Système de coûts

Quel est le principal frein à cette ambition ?

Soyons honnêtes : les coûts vrais n’existent pas. Un système de coûts reste un ensemble de conventions d’affectation, plus ou moins réalistes selon la méthodologie retenue. Il persistera toujours un risque de subventionnement entre produits, services ou clients.

Dans l’organisation, chaque règle d’affectation des coûts peut être une source de subventionnement faisant supporter à tort des charges à des produits, des services ou des clients qui ne les consomment pas. En découlent des coûts de revient surévalués d’un côté et sous-évalués de l’autre car l’assiette des coûts à affecter reste la même quelles que soient les règles utilisées.

Cas 1 - Industrie agroalimentaire

Deux produits sont fabriqués dans les mêmes quantités : 1200 kg.

Les coûts du service de planification, 50 k€ et du service de contrôle qualité, 65k€, varient en fonction du nombre de lots fabriqués. En effet, chaque lot doit être planifié pour être produit, puis contrôlé pour être stocké. Plus le nombre de lots est important, plus ces deux services devront mobiliser du temps au sein de leurs équipes.

Il se trouve que le parfait au chocolat est fabriqué en 55 lots et le fondant au caramel en 15 lots. Ces coûts, considérés comme indirects, sont affectés au prorata des kilos. Cette unité d’œuvre reste dans ce secteur d’activité, la clé d’affectation privilégiée.

Si l’on compare des coûts de ces deux services dans un tableau l’affectation, voici comment se matérialise le risque de subventionnement :

Caractéristiques du modèle de coût

Option 1 : Affectation au kg

Quantité Coût affecté Coût unitaire
1 200 57 500€ 47,92€
1 200 57 500€ 47,92€

Option 2 : Affectation au nombre de lots

Quantité Coût affecté Coût unitaire
55 90 357€ 75,30€
15 24 643€ 20,54€

Dans l’option 1 « affectation en fonction des quantités produites en kg », le fondant au caramel subventionne le parfait au chocolat : il supporte une part des coûts de contrôle et de planification que ce dernier a consommé.

L’option 2 « affectation au nombre de lots », quant à elle, traduit une consommation plus réaliste des coûts, basée sur le nombre de lots consommés par les deux produits.

Formation

Cas 2 - Formation

Dans un centre de formation, certaines formations sont plus consommatrices de ressources notamment pour le suivi des étudiants en stage, la planification des cours et des moyens (salles, logiciels, équipements), la réalisation des formations (différence de rémunération des intervenants), le processus d’admission ou d’évaluation.

On comprend que ces coûts peuvent varier en fonction des heures de formation, mais aussi en fonction du nombre d’étudiants, du nombre de formation, de modules, du type de formation, …

Répartir les coûts sur les formations uniformément en utilisant le nombre d’heures de formation, introduira probablement des subventionnements entre formations.

Direction des Systèmes d'Information

Cas 3 - Direction des Systèmes d’Information

Une DSI qui gère à la fois les équipements, le support, les projets de digitalisation, les applications métier et les infrastructures IT, doit s’interroger sur la pertinence d’une clé effectifs par société / direction pour valoriser et refacturer ses services.

Les caractéristiques du modèle de coût

Selon les usages attendus, le niveau d’exigence à l’égard de la construction du modèle peut être plus ou moins élevé. Voici les 6 caractéristiques principales d’un modèle de coût qui vont conditionner sa mise en œuvre :

  1. Réalisme : base de tout, va de pair avec la causalité évoquée ci-après. Sans réalisme on biaise l’analyse des coûts et des marges, on la décrédibilise aux yeux des décideurs.
  2. Traçabilité : elle permet à la fonction financière d’expliquer et de justifier les résultats. C’est une caractéristique essentielle du modèle pour que les opérationnels et le comité de direction le valident et se l’approprient.
  3. Transversalité : c’est la capacité du modèle à illustrer comment la performance et la valeur se construisent collectivement par la combinaison de ce qui est produit dans chaque centre de responsabilité.
  4. Simplicité : condition à l’utilisation et au partage, c’est très compliqué de faire simple !
  5. Causalité : outre sa contribution au réalisme des résultats, elle est l’une des conditions à l’adoption du modèle par les opérationnels et par la Direction Générale. Il s’agit d’un principe fondateur pour le développement d’une culture de gestion.
  6. Maille d’analyse / couverture organisationnelle : renvoie au niveau de détail porté par les composantes du modèle. Exemple : le modèle affecte-t-il les coûts au niveau du produit livré ou de la famille de produits ? Le modèle couvre-t-il bien l’ensemble des fonctions du périmètre à modéliser ? La maille d’analyse est-elle adaptée aux usages attendus ?
Caractéristiques du modèle de coût

On ne peut pas être bon partout !

Un maillage excessivement détaillé sur l’ensemble des composantes du modèle peut compromettre la simplicité et, paradoxalement, le réalisme de l’approche. Comme le soulignait Alan Greenspan : « Il vaut mieux être approximativement juste que précisément faux !« . Et que dire des modèles complexes qui enchaînent des déversements en cascade ou intègrent des mécanismes de prestations réciproques ? Leur sophistication peut nuire à la traçabilité des résultats sans améliorer leur qualité. L’enjeu consiste donc à trouver le juste équilibre entre précision et praticité. Ce sont ultimement les usages attendus, les ressources disponibles et l’outillage à votre disposition qui orienteront vos arbitrages concernant ces caractéristiques fondamentales.

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